KNOWLEDGE MANAGEMENT, REVUE DE PRESSE

Revue de presse – Les communs numériques (28 février – 06 mars 2025)

QGIS sacré “Bien Commun Numérique” par une alliance internationale

Le logiciel libre QGIS, référence mondiale des systèmes d’information géographique, a reçu une reconnaissance prestigieuse en obtenant le statut de Digital Public Good décerné par la Digital Public Goods Alliance. Cette distinction officielle, annoncée début février (QGIS recognized as Digital Public Good – QGIS.org blog), souligne la contribution de QGIS aux objectifs de développement durable de l’ONU et aux valeurs du libre. Concrètement, cela signifie que QGIS répond aux critères d’un bien public numérique : il est open source, respecte la vie privée, suit les bonnes pratiques et aide à relever des défis globaux (climat, santé, etc.). Sur son blog, l’équipe QGIS se félicite de voir son engagement communautaire ainsi mis en lumière, notamment son alignement avec les Objectifs de développement durable (ex : outils pour l’urbanisme durable, la gestion des catastrophes…), sa transparence et son accessibilité inclusive sur tous les systèmes (Revue de presse du 21 février 2025 – Geotribu). Être labellisé DPG ouvre aussi des portes à QGIS : davantage de collaborations avec des gouvernements, ONG et institutions éducatives sont envisageables, renforçant l’écosystème autour de ce commun numérique. Pour la communauté open source, cette annonce est encourageante. Elle prouve qu’un projet libre porté par des bénévoles peut être reconnu au plus haut niveau international comme infrastructure critique d’intérêt général. Cela conforte l’idée que les logiciels libres majeurs, à l’instar de QGIS, constituent des communs numériques à soutenir activement, au même titre que des biens publics plus traditionnels.

Open Data Day 2025 : la communauté mondiale des données ouvertes en fête

La semaine écoulée a été rythmée par les préparatifs de l’Open Data Day 2025, événement annuel célébrant les données ouvertes. Du 1er au 7 mars, des groupes du monde entier ont organisé des rencontres locales (ateliers, hackathons, conférences) pour promouvoir la réutilisation des données publiques, avec le soutien de l’Open Knowledge Foundation (Open Data Day – Open Data Watch). Des centaines d’événements, à la fois en présentiel et en ligne, ont eu lieu aux quatre coins du globe, illustrant la vitalité de l’écosystème open data. En France comme ailleurs, ces initiatives visent à encourager citoyens, développeurs, journalistes et acteurs publics à exploiter les données libres pour créer des services utiles, améliorer la transparence ou résoudre des problèmes de société. Cette année, une attention particulière a été portée aux nouvelles communautés émergentes. L’Open Knowledge Foundation a ainsi octroyé des mini-subventions pour aider des organisations à animer l’Open Data Day, y compris dans des pays d’Afrique francophone où 14 événements locaux ont été financés (Et les lauréats des mini-subventions de l’Open Data Day 2025 pour l’Afrique francophone sont… – Open Knowledge Foundation blog). Ce coup de pouce montre la volonté d’élargir le mouvement des données ouvertes à des publics encore peu outillés, en soutenant des projets autour, par exemple, des données géographiques, de la transparence gouvernementale ou de la cartographie participative. Pourquoi est-ce important ? Parce que l’ouverture des données publiques est un pilier des communs numériques : elle permet l’innovation civique (applications citoyennes, analyses journalistiques…), renforce la démocratie (open data budgétaire, suivi des dépenses publiques) et stimule l’économie (services numériques reposant sur ces données). La mobilisation globale lors de l’Open Data Day 2025 prouve que l’accès aux données est désormais une cause partagée mondialement, générant un foisonnement d’idées et de collaborations au service de l’intérêt général.

Alliances technologiques : Roost, une coalition open source pour la modération en ligne

Fait marquant de la semaine, plusieurs géants du numérique habituellement concurrents ont uni leurs forces au sein de ROOST (Robust Online Safety Tooling), une nouvelle ONG dédiée aux outils de modération open source. Soutenue entre autres par Google, OpenAI, Discord, Roblox, Microsoft, Mozilla et gérée par l’université Columbia, la fondation Roost dispose d’une enveloppe initiale de 27 millions de dollars pour développer et mettre à disposition gratuitement des solutions de modération des contenus abusifs (Google, OpenAI et Discord lancent Roost pour lutter contre les contenus abusifs sur le web). Annoncée lors du sommet AI Action Summit à Paris, cette alliance rassemble des experts en IA, en cybersécurité et en protection de l’enfance autour d’un objectif commun : aider toutes les plateformes en ligne, notamment les plus petites et les acteurs publics, à détecter et combattre efficacement les contenus toxiques (harcèlement, désinformation, exploitation infantile, etc.). « L’open source est l’antidote », titrait Le Figaro à propos de Roost (Revue de presse de l’April pour la semaine 7 de l’année 2025 | April) – en référence à l’idée que rendre ces outils ouverts et accessibles à tous permettra de hausser le niveau général de sécurité sur le Web. Concrètement, Roost va produire des logiciels libres capables, par exemple, d’identifier automatiquement des images illicites connues via des empreintes (hash matching) ou de filtrer des textes problématiques grâce à des classifieurs entraînés, le tout de manière transparente et mutualisée (CDT Celebrates the Launch of the Open Source Tooling Initiative ROOST as a step towards Open and Collaborative Trust & Safety Investment – Center for Democracy and Technology). L’approche collaborative vise à combler le fossé entre les géants disposant déjà de systèmes avancés de modération et les structures qui n’en ont pas les moyens. L’enjeu : éviter que la sûreté en ligne ne soit un luxe réservé aux grands acteurs. En mutualisant les efforts et en ouvrant le code, Roost espère non seulement aider les petits services à adopter des standards élevés sans ruiner leur budget, mais aussi accroître la transparence des pratiques de modération (un impératif pour la confiance des utilisateurs et des régulateurs). Cette initiative illustre une nouvelle forme de commun numérique : une infrastructure partagée de confiance et sécurité, construite par et pour une multitude d’acteurs, au bénéfice de tous.

Régulation et soutien public : l’open source face au défi du Cyber Resilience Act européen

Sur le front des politiques publiques, l’Union européenne continue d’affiner son approche vis-à-vis des communs numériques, notamment en matière de sécurité. Le Cyber Resilience Act (CRA), règlement européen récemment adopté, va imposer à partir de 2027 des exigences strictes de cybersécurité pour tous les produits numériques vendus en Europe – y compris ceux intégrant des composants open source (Linux Foundation and OpenSSF to Help Developers Navigate EU Cyber Resilience Act — ADTmag). Si l’objectif est de mieux protéger consommateurs et infrastructures, cette législation soulève des inquiétudes quant à son impact sur les projets libres. En effet, beaucoup de logiciels libres sont maintenus par des bénévoles ou de petites équipes, qui pourraient être dépassés par de nouvelles obligations de conformité (correction rapide des failles, documentation de sécurité, etc.). Consciente du risque de décourager ces contributeurs essentiels, la communauté open source s’organise. Fin février, la Linux Foundation Europe et l’Open Source Security Foundation (OpenSSF) ont lancé une initiative conjointe pour épauler les développeurs face à ce nouveau cadre réglementaire. L’objectif est de fournir outils, guides et processus automatisés pour aider les mainteneurs de projets open source à satisfaire aux standards de sécurité sans casse-tête inutile. « Le CRA représente un tournant majeur, et nous voulons rendre la conformité la plus fluide possible pour les mainteneurs bénévoles », explique Mirko Boehm, directeur à la Linux Foundation Europe. Concrètement, le programme proposera des référentiels de bonnes pratiques, des formations et peut-être des plateformes de test afin que même les plus petits projets puissent s’aligner sur les exigences de l’UE. Les grands acteurs soulignent une priorité : éviter que le fardeau des nouvelles règles ne repose injustement sur des volontaires passionnés. Parallèlement, des discussions ont lieu avec les législateurs pour s’assurer que l’esprit du libre – innovation ouverte et partagée – soit préservé dans l’application du règlement. En France, on mise aussi sur le soutien public pour renforcer la pérennité des communs numériques : le programme d’investissement France 2030 finance par exemple Probabl, filiale de l’Inria dédiée à la maintenance de la bibliothèque libre Scikit-learn, afin de professionnaliser le support de ce projet crucial en IA. Entre régulation et encouragement financier, un équilibre se cherche pour sécuriser l’écosystème open source sans brider son élan. Le défi est de taille : il s’agit de concilier confiance numérique et innovation collaborative, en faisant des communs numériques des alliés – et non des victimes collatérales – des politiques de cybersécurité.

Sources

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