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Croissance du cloud stimulée par l’IA : innovation, défis et perspectives

La transformation numérique s’accélère sous l’impulsion conjointe du cloud computing et de l’intelligence artificielle (IA). En Europe, la demande de services cloud a atteint un niveau record fin 2024, portée par l’essor de l’IA générative et la quête d’efficacité des entreprises (L’Europe connaît une croissance du cloud stimulée par l’IA au 4e trimestre tandis que la demande de services gérés ralentit, selon l’ISG Index™ | Business Wire). Cette tendance dépasse le cadre européen : à l’échelle mondiale, les investissements en services et infrastructures cloud ont bondi d’environ 23 % sur un an au premier semestre 2024, une croissance dont une part importante est directement attribuable à l’IA (L’IA a accéléré la croissance des clouds de Google, Microsoft et AWS – ChannelNews). Tour d’horizon des tendances, impacts et défis de cette croissance du cloud dopée par l’intelligence artificielle, avec un éclairage sur les perspectives qui se dessinent.

Tendances récentes : comment l’IA booste la croissance du cloud

Les géants du cloud rivalisent d’initiatives pour intégrer l’IA à leurs offres, stimulant fortement le marché. AWS, par exemple, a lancé près de deux fois plus de nouvelles fonctionnalités d’apprentissage automatique et d’IA générative que l’ensemble de ses concurrents ces 18 derniers mois (L’IA stimule fortement la croissance des services d’infrastructure cloud). Le résultat ne s’est pas fait attendre : au 3e trimestre 2024, le marché mondial des infrastructures cloud a progressé de +21 % sur un an, signe que l’impact de l’IA sur ce secteur déjà dynamique devient de plus en plus manifeste. L’IA générative – popularisée par des outils comme ChatGPT – a provoqué une ruée vers les services cloud capables de fournir la puissance de calcul et les modèles pré-entraînés nécessaires. Les fournisseurs cloud ont multiplié les services dédiés (chatbots, analytics avancée, copilotes pour développeurs, etc.), contribuant à généraliser l’adoption de l’IA via le cloud.

Les études de marché confirment que cette trajectoire de croissance est partie pour durer. Selon IDC, les dépenses mondiales en services de cloud public pourraient atteindre 805 milliards de dollars dès 2024 et même doubler d’ici 2028, sous l’effet combiné de la transformation numérique et de l’essor de l’IA dans tous les secteurs (L’IA dynamise les dépenses mondiales en cloud public en 2024). De fait, l’IA agit comme un catalyseur : elle pousse les entreprises à migrer toujours plus d’applications et de données vers le cloud afin de tirer parti d’algorithmes sophistiqués sans avoir à gérer d’infrastructure lourde en interne. On observe également un rééquilibrage au profit de l’infrastructure : longtemps en tête, la croissance des services cloud (SaaS, etc.) est désormais rattrapée, voire dépassée, par l’augmentation des investissements dans les centres de données et le matériel optimisé pour l’IA (L’IA a accéléré la croissance des clouds de Google, Microsoft et AWS – ChannelNews). Derrière cette tendance se cache l’énorme demande en puissance de calcul liée à l’IA, qui profite notamment aux fabricants de puces spécialisées. En témoigne l’explosion des ventes de GPU pour serveurs : Nvidia, leader du secteur, voit ses revenus grimper en flèche grâce aux commandes des hyper‑scaleurs du cloud.

Impact sur les entreprises : compétitivité et innovation

Pour les entreprises, l’alliance du cloud et de l’IA est devenue un levier de compétitivité majeur. L’IA, rendue plus accessible via les services cloud, permet d’automatiser des tâches, d’extraire des insights de données massives et de développer de nouveaux produits plus rapidement. Les organisations qui adoptent ces technologies en retirent déjà des bénéfices concrets : 42 % des entreprises européennes utilisent l’IA de façon systématique et plus de 90 % d’entre elles constatent une augmentation de leur chiffre d’affaires ou de leur productivité suite à cette adoption (Le rythme d’adoption de l’Intelligence Artificielle dépasse celui des premiers téléphones portables : chaque minute, cinq entreprises européennes intègrent l’IA. – France | About Amazon ). Des exemples emblématiques émergent dans de nombreux secteurs : distribution optimisant ses stocks grâce à des IA hébergées dans le cloud, industrie manufacturière prévenant les pannes via la maintenance prédictive, ou encore services financiers détectant la fraude en temps réel à l’aide d’algorithmes entraînés sur des plateformes cloud. L’accès à la puissance de calcul « à la demande » nivelle ainsi le terrain : une start-up peut aujourd’hui exploiter des outils d’IA sophistiqués hébergés chez un fournisseur cloud, là où il aurait fallu hier d’importants investissements matériels.

Ce mouvement d’adoption massive crée un cercle vertueux d’innovation. En misant sur des services cloud enrichis d’IA, les entreprises gagnent en agilité et en capacité d’expérimentation. Elles peuvent prototyper rapidement de nouvelles solutions dopées à l’IA, les tester à moindre coût et passer à l’échelle si les résultats sont concluants. Dans un contexte concurrentiel où la data est reine, cette agilité technologique se traduit souvent par un avantage décisif. À l’inverse, les organisations qui tarderaient à embrasser l’IA via le cloud risquent de se retrouver distancées, tant sur la qualité de service que sur l’efficacité opérationnelle. Compétitivité et innovation vont de pair : l’IA dans le cloud offre aux entreprises un moyen d’améliorer leurs processus existants tout en ouvrant la voie à de nouveaux modèles d’affaires, du service client personnalisé 24/7 aux produits intelligents connectés.

Enjeux et défis : sécurité, coûts, souveraineté des données

Malgré ses promesses, cette montée en puissance du cloud dopé à l’IA s’accompagne de défis importants. Le premier d’entre eux concerne la sécurité. La concentration de données sensibles et d’applications critiques dans le cloud inquiète les dirigeants : 95 % des entreprises se disent modérément à extrêmement préoccupées par la sécurité de leurs déploiements cloud (Le cloud, un élément clé qui implique une sécurité renforcée – IT SOCIAL). Les risques de failles, d’attaques ou de mauvaise configuration peuvent avoir des conséquences sévères, d’autant que l’IA elle-même peut engendrer de nouvelles menaces (par exemple des modèles qui divulgueraient involontairement des informations confidentielles). S’ajoute à cela un manque de visibilité dans les environnements multi‑cloud complexes et un manque de contrôle direct sur l’infrastructure, cités parmi les principaux freins à une adoption sereine. Face à ces inquiétudes, les fournisseurs investissent massivement dans des solutions de cybersécurité cloud (chiffrement des données, détection des anomalies par IA, architectures « zero trust », etc.), et les entreprises renforcent leurs gouvernances internes pour surveiller en continu leurs ressources hébergées. La conformité réglementaire est également scrutée de près, notamment dans les secteurs régulés : il s’agit de garantir que l’usage du cloud et de l’IA respecte les normes (RGPD, lois financières, santé…) afin d’éviter tout écueil juridique.

Le coût est l’autre grand défi de cette transition. Si le cloud offre théoriquement des économies d’échelle et une facturation à l’usage, la réalité peut être moins idyllique sans une gestion rigoureuse. Les dépenses cloud ont explosé avec l’IA, au point que la maîtrise des coûts est devenue prioritaire pour les DSI. Selon une étude annuelle, les entreprises ont dépassé en moyenne de 18 % leurs budgets prévus pour le cloud en 2022, et estiment qu’environ 28 % de leurs dépenses cloud sont gaspillées faute de bénéfices à la hauteur (Près d’un tiers des dépenses cloud sont gaspillées et Kubernetes n’y est pas pour rien | ICTjournal). Plusieurs facteurs expliquent ce gaspillage : sur-provisionnement de ressources par précaution, instances oubliées en fonctionnement, services surdimensionnés ou non optimisés, etc. De plus, l’entraînement de modèles d’IA très gourmands en calcul peut engendrer des factures imprévues de plusieurs millions. Pour relever ce défi, les pratiques de FinOps (optimisation financière du cloud) se développent : suivi granulaire des consommations, outils d’alerte sur les dérives de coûts, optimisation automatique des ressources inactives, et négociation de tarifs engagés avec les fournisseurs. L’objectif est d’aligner au mieux l’utilisation du cloud sur les besoins réels, afin de préserver les bénéfices économiques du modèle cloud sans mauvaises surprises. Néanmoins, cet exercice d’équilibriste est permanent, surtout lorsque les environnements sont multi‑cloud et mêlent une multitude de services différents.

Enfin, la souveraineté des données et la dépendance vis-à-vis des grands fournisseurs constituent un enjeu stratégique, en particulier pour les États et entreprises soucieux de garder le contrôle. L’emplacement des données est devenu un critère de choix déterminant : héberger des informations sensibles dans un data center à l’étranger peut exposer à des lois extraterritoriales (Cloud Act américain, etc.) ou à des changements de politiques hors de portée des juridictions locales. Le besoin de protéger la souveraineté numérique pousse ainsi à privilégier des cloud régis par des législations compatibles avec les exigences locales – on parle de cloud de confiance ou cloud souverain dans le contexte européen. Au-delà de la localisation, il s’agit aussi d’éviter une dépendance excessive à un petit nombre d’acteurs. Comme l’a rappelé récemment un expert français du secteur, lorsque les hyperscalers du cloud décident unilatéralement de modifier leurs tarifs ou conditions d’utilisation, l’effet peut « être catastrophique pour l’écosystème », faisant flamber les coûts des clients ou limitant l’accès à certaines technologies clés, avec à la clé un risque pour la compétitivité et l’innovation des entreprises dépendantes (Cloud souverain et IA : l’Europe à la conquête de son indépendance numérique). Cette crainte alimente l’essor de stratégies multi-cloud (répartir les charges sur plusieurs fournisseurs pour éviter le verrouillage) et encourage l’émergence d’offres cloud alternatives locales. Toutefois, opter pour plusieurs plates-formes ou pour un cloud souverain soulève d’autres défis (interopérabilité, éventuel retard technologique, coûts potentiellement plus élevés), de sorte que les entreprises doivent arbitrer entre souplesse, conformité et performance selon leurs priorités.

Perspectives d’avenir : l’évolution du cloud à l’ère de l’IA

Tous les indicateurs laissent à penser que l’étroite synergie entre cloud et IA va encore s’amplifier dans les années à venir. Les fournisseurs globaux préparent déjà l’avenir en augmentant considérablement leurs capacités : pour répondre aux besoins des modèles d’IA de plus en plus complexes, les géants du cloud construisent de nouveaux centres de données à un rythme inédit. La capacité globale des datacenters hyperscale a ainsi crû de +24 % sur un an au premier semestre 2024, et la taille du pipeline de futurs centres de données a bondi de +47 %, signe des investissements colossaux en cours pour soutenir les charges de travail d’IA de demain (L’IA a accéléré la croissance des clouds de Google, Microsoft et AWS – ChannelNews). Cette expansion va de pair avec le développement de matériels spécialisés (GPU toujours plus puissants, puces IA dédiées comme les TPU de Google ou le Trainium d’AWS) et de services managés autour de l’IA. On peut s’attendre à voir émerger des offres cloud encore plus verticalisées, combinant infrastructure et modèles d’IA prêts à l’emploi pour des domaines spécifiques (santé, finance, industrie…), afin de faciliter l’adoption de l’IA par secteur. Parallèlement, l’IA elle-même sera mise à contribution pour améliorer le pilotage du cloud : les pratiques d’AIOps (Artificial Intelligence for IT Operations) devraient monter en puissance, avec des plateformes capables d’ajuster automatiquement les ressources, de prédire les pannes ou d’optimiser la consommation énergétique grâce à des algorithmes d’apprentissage. Si aujourd’hui seuls quelques précurseurs exploitent ces approches, elles pourraient devenir la norme pour gérer des environnements toujours plus complexes à échelle humaine.

En Europe et ailleurs, l’avenir du cloud s’inscrira également sous le signe d’une plus grande indépendance et d’une démocratisation de l’IA. Conscientes des enjeux, les autorités et entreprises européennes multiplient les initiatives pour développer une infrastructure cloud locale robuste, à même de soutenir l’essor de l’IA tout en garantissant le respect des valeurs et régulations régionales. Des projets tels que Gaia-X visent à bâtir une véritable fédération de clouds européens interopérables et souverains (Cloud souverain et IA : l’Europe à la conquête de son indépendance numérique). L’ambition affichée est double : mutualiser les ressources critiques (par exemple partager des capacités de calcul IA entre acteurs du Vieux Continent) et démocratiser l’accès aux technologies d’IA pour les entreprises de toutes tailles, y compris les plus petites et les moins expérimentées en la matière. Dans cette vision, le cloud de demain serait non seulement plus puissant et omniprésent, mais aussi plus diversifié et responsable. Diversifié, car combinant des clouds globaux et locaux, du cloud public pour sa flexibilité et du cloud privé/edge pour les besoins de latence ultra-faible ou de confidentialité accrue – l’IA pouvant alors s’exécuter au plus près de la source des données. Responsable, car optimisé pour réduire son empreinte carbone (centres de données plus verts, algorithmes moins énergivores) et encadré par des règles garantissant une IA éthique et respectueuse de la vie privée.

En définitive, la croissance du cloud stimulée par l’IA apparaît comme un mouvement de fond irréversible qui reconfigure le paysage informatique. Après une première décennie de cloudification massive des services IT, l’irruption de l’IA générative enclenche une seconde vague d’adoption, encore plus exigeante en ressources mais riche de potentialités inédites. Les entreprises et professionnels de l’infrastructure doivent composer avec un équilibre subtil : tirer parti de ces nouvelles opportunités pour innover et gagner en compétitivité, tout en maîtrisant les risques liés à la sécurité, aux coûts et à la souveraineté. Les prochaines années verront sans doute se dessiner de nouveaux standards et écosystèmes autour du cloud intelligent, où l’IA sera à la fois consommatrice et optimisatrice de ressources. Une chose est sûre : le nuage informatique et l’intelligence artificielle continueront de se nourrir mutuellement, propulsant la transformation numérique vers de nouveaux sommets.

Sources

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