Introduction
La conteneurisation est devenue incontournable en développement logiciel, dominée par Docker depuis 2013. Cependant, l’émergence de Podman, soutenu par Red Hat, suscite un intérêt croissant ces dernières années. En novembre 2024, Red Hat a même annoncé son intention de céder Podman à la Cloud Native Computing Foundation, signe de l’importance grandissante de cet outil open source comme alternative à Docker dans l’écosystème des conteneurs (Source: Cloud Native Now – cloudnativenow.com). Dans ce contexte, il est pertinent de comparer Docker et Podman sous plusieurs angles clés : performance, sécurité, compatibilité, adoption industrielle, cas d’utilisation et aspects de licence.
Performance des conteneurs
Architecture et ressources – Docker repose sur un démon de fond (dockerd
) qui gère les conteneurs, ce qui peut introduire un léger surcoût en ressources (CPU et mémoire), surtout en présence de nombreux conteneurs. Podman au contraire fonctionne sans démon central (architecture daemonless), lançant directement les conteneurs comme processus enfants. Cela se traduit par une utilisation plus efficiente des ressources et une empreinte plus légère, particulièrement appréciable sur des environnements à ressources limitées ou à haute densité de conteneurs (Source: Pure Storage Blog – purestorage.com).
Temps de démarrage et exécution – Grâce à l’absence de service de fond à initialiser, Podman offre souvent des démarrages de conteneurs un peu plus rapides, bien que l’écart reste modeste. Des tests récents en 2024 indiquent par exemple qu’un conteneur démarre en ~180 ms avec Podman contre ~150 ms avec Docker, et qu’une image se télécharge en 2,1 s avec Podman vs 1,9 s avec Docker – des différences de l’ordre de quelques dizaines de millisecondes à quelques dixièmes de seconde, donc négligeables dans la plupart des scénarios pratiques (Source: Uptrace – uptrace.dev). En ce qui concerne la construction d’images, Docker utilise BuildKit (intégré au moteur Docker) tandis que Podman s’appuie sur l’outil Buildah. BuildKit excelle sur les builds complexes multi-étapes avec une mise en cache efficace, ce qui donne à Docker un avantage de vitesse pour ces cas; en revanche Podman affiche des performances comparables pour des images plus simples et tire parti de Buildah pour permettre des builds sans privilèges root et un contrôle plus fin des couches d’image (Source: BitDoze – bitdoze.com). Dans l’ensemble, Docker et Podman offrent donc une performance d’exécution similaire, avec un léger avantage de Podman sur la consommation à vide et un avantage de Docker sur certains builds très complexes, sans impact majeur sur les usages standards.
Sécurité des conteneurs
Isolation et privilèges – Côté sécurité, Podman se distingue par son modèle d’exécution sans démon système, ce qui réduit la surface d’attaque. Chaque conteneur Podman s’exécute comme un processus utilisateur séparé, pouvant être lancé en mode rootless (sans privilège superutilisateur). Ainsi, même si un conteneur est compromis, il a moins de capacités pour affecter le système hôte, évitant notamment les escalades de privilèges. Docker, en comparaison, fait tourner son daemon en tant que root par défaut, ce qui signifie qu’une faille dans le daemon pourrait théoriquement donner un accès élevé au système. L’approche de Podman (fork/exec de processus isolés par utilisateur) apporte donc un niveau de sécurité supplémentaire par conception (Source: Geeky Gadgets – geeky-gadgets.com). De plus, Podman enregistre l’ID utilisateur ayant lancé chaque conteneur, ce qui permet un audit log plus précis des actions, fonctionnalité native découlant de son architecture (chaque processus de conteneur est un fils du processus Podman de l’utilisateur correspondant).
Bonnes pratiques Docker – Docker n’est pas pour autant dépourvu de sécurité : il supporte également l’exécution sans privilèges (fonctionnalité rootless disponible avec une configuration adéquate) et s’intègre avec des mécanismes de sécurité Linux tels que SELinux, AppArmor ou les cgroups pour limiter les permissions des conteneurs. En pratique, sécuriser Docker nécessite de suivre les recommandations usuelles : éviter de lancer des conteneurs en mode --privileged
(qui donne un accès quasi-total à l’hôte), définir des profils de sécurité (AppArmor/SELinux) pour isoler les processus, et mettre à jour régulièrement le daemon pour bénéficier des correctifs. Utilisé correctement, Docker permet d’exécuter des conteneurs de manière cloisonnée, mais Podman offre par défaut un environnement plus strict qui convient bien aux contextes à hautes exigences de sécurité (Source: SoluteLabs – solutelabs.com). En somme, Podman prend l’avantage pour la sécurité grâce à son fonctionnement rootless par défaut et l’absence de démon root, tandis que Docker requiert une attention particulière à la configuration pour atteindre un niveau de confinement équivalent.
Compatibilité et écosystème
CLI et fichiers d’images – L’un des atouts de Podman est sa volonté de conserver une compatibilité maximale avec l’écosystème Docker existant. Son interface en ligne de commande reprend presque à l’identique la syntaxe de Docker : les commandes usuelles (run
, pull
, build
, etc.) et leurs options fonctionnent de la même manière, si bien qu’il suffit souvent de remplacer le mot docker
par podman
pour utiliser un script ou une suite de commandes existante. Par exemple, la commande docker run
est équivalente à podman run
, tout comme docker ps
à podman ps
, ce qui rend la transition quasiment transparente pour les développeurs habitués à Docker (Source: Last9 – last9.io). De même, Podman prend en charge le format de fichier Dockerfile (décrit par l’OCI – Open Container Initiative – qu’ils respectent tous deux) pour construire des images : un Dockerfile existant peut être utilisé tel quel avec Podman. L’outil de build Podman (Buildah) comprend les mêmes instructions que le moteur de build Docker. Ainsi, les images construites par l’un sont compatibles avec l’autre tant qu’elles respectent le format d’image OCI, ce qui est le cas par défaut.
Outils de composition et orchestration – Podman cherche à s’intégrer dans les workflows multi-conteneurs et d’orchestration dominés historiquement par Docker. Pour le déploiement de plusieurs conteneurs, Docker propose Docker Compose (désormais intégré en plugin) qui utilise un fichier YAML pour définir les services. Podman offre une solution similaire via Podman Compose ou la compatibilité directe avec Docker Compose : il est possible d’utiliser un fichier docker-compose.yml
existant avec Podman (quelques ajustements mineurs peuvent être nécessaires dans des cas complexes, mais la plupart des configurations fonctionnent sans changement). Autrement dit, les applications multi-conteneurs définies pour Docker peuvent être exécutées avec Podman sans refonte majeure (Source: Last9 – last9.io). Pour l’orchestration à grande échelle, Docker s’intègre depuis longtemps à Kubernetes (directement via le Docker Shim historique, désormais remplacé par containerd, ou via des outils comme Docker Swarm pour des orchestrations plus simples). Podman de son côté est conçu pour bien coopérer avec Kubernetes : il peut générer des manifestes Kubernetes à partir de conteneurs (podman generate kube
) et supporte nativement la notion de pod (groupe de conteneurs co-localisés, concept identique à Kubernetes). Cela facilite la transition du développement local vers la production orchestrée. En résumé, sur le plan de la compatibilité, Podman a été pensé pour être interchangeable avec Docker sur la grande majorité des usages (images, commandes, fichiers de configuration), ce qui explique qu’il gagne du terrain sans imposer une courbe d’apprentissage importante aux équipes.
Adoption dans l’industrie
Docker, le standard dominant – Docker conserve à ce jour une avance confortable en termes d’adoption. Introduit bien plus tôt, il a fédéré autour de lui une vaste communauté et un écosystème d’outils, de services cloud et de formations. Dans de nombreuses entreprises, “Docker” est presque synonyme de conteneur, et les compétences Docker sont répandues chez les développeurs et équipes DevOps. Cette maturité de l’écosystème Docker, avec ses milliers d’images disponibles sur Docker Hub et son intégration prête à l’emploi dans les principaux cloud (AWS ECS/EKS, Google GKE, Azure, etc.), lui confère un avantage durable. Il est prévu que Docker maintienne une forte présence en entreprise dans les années à venir, bénéficiant de la familiarité de ses commandes et de la confiance accumulée autour de son outillage éprouvé (Source: BitDoze – bitdoze.com). Des chiffres illustrent cette domination : selon un sondage 2023 de Stack Overflow, Docker était l’outil de développement le plus utilisé avec plus de la moitié des répondants l’ayant adopté, et une analyse du marché 2024 estime Docker à environ un tiers de part de marché des technologies de conteneurisation, loin devant ses concurrents.
Progression de Podman – Podman, malgré sa jeunesse relative (lancé en 2018), voit son adoption progresser surtout dans les environnements Linux d’entreprise. Red Hat l’a intégré en standard dans RHEL 8 et versions ultérieures, le positionnant comme remplaçant de Docker pour les utilisateurs de ces distributions. De grands acteurs de l’industrie commencent à l’envisager sérieusement, en particulier lorsque les considérations de sécurité ou de coût de licence deviennent importantes. L’intérêt pour Podman a été renforcé après les changements de licence de Docker Desktop (voir section Licences ci-dessous) qui ont poussé certains à rechercher des alternatives sans frais d’utilisation. Par ailleurs, la décision de Red Hat de proposer Podman à la CNCF fin 2024 montre la volonté d’ouvrir son développement à une communauté plus large, ce qui pourrait accélérer son évolution et son adoption. On constate également un engouement pour Podman Desktop (l’équivalent de Docker Desktop chez Podman) : plus de 1,5 million de téléchargements en ont été comptabilisés par Red Hat fin 2024, témoignant de l’intérêt des développeurs pour cet outil multiplateforme (Source: Cloud Native Now – cloudnativenow.com). Néanmoins, en 2025 Podman reste encore en position de challenger : la plupart des entreprises disposent déjà d’infrastructures et de pipelines basés sur Docker. La montée en compétence des équipes sur Podman et la migration des outils tiers vers la compatibilité Podman prennent du temps. L’adoption industrielle de Podman se fait donc progressivement, principalement dans les organisations pour qui les avantages (sécurité accrue, pas de coûts de licence, intégration Red Hat) compensent l’effort de changement.
Cas d’utilisation spécifiques
Podman, choix privilégié si… Podman s’avère particulièrement adapté aux contextes où la sécurité multi-utilisateurs et la conformité open source sont primordiales. Par exemple, dans un environnement serveur où plusieurs développeurs ou services lancent des conteneurs, Podman permet à chacun de déployer des conteneurs sans privilèges root, réduisant les risques d’accès indésirable au noyau de l’hôte. De même, pour des systèmes Linux minimalistes (IoT, edge computing) ou des environnements de CI/CD nécessitant d’exécuter des conteneurs en sandbox, l’absence de démon allège l’empreinte et évite d’avoir un service tournant en permanence. Podman est également un excellent choix si vous travaillez dans l’écosystème Red Hat/OpenShift ou que vous visez une transition facilitée vers Kubernetes – sa gestion native des pods et sa capacité à générer des manifestes K8s à partir de conteneurs offrent un pont naturel entre le développement en conteneur et l’orchestration. Enfin, pour les organisations sensibles aux coûts et aux droits, Podman étant entièrement open source, il évite les contraintes de licence et de souscription, ce qui en fait une option attractive pour les entreprises cherchant à éviter les nouvelles restrictions commerciales de Docker (Source: Uptrace – uptrace.dev). En résumé, Podman est souvent recommandé pour les équipes focalisées sur la sécurité, la compatibilité Linux/Kubernetes et la légèreté, par exemple : déploiement de conteneurs sur des serveurs de production sécurisés, usages sur des distributions Linux d’entreprise, ou encore postes de travail Linux ne souhaitant pas du démon Docker.
Docker, choix privilégié si… Docker conserve des atouts qui le rendent indispensable dans certains scénarios. D’une part, son écosystème étendu facilite la vie : si votre workflow implique des outils tiers (par ex. des utilitaires DevOps, des agents CI/CD, des environnements de développement intégrés) qui interagissent avec l’API Docker, il sera plus simple de continuer à utiliser Docker pour assurer une compatibilité immédiate. D’autre part, sur les postes Windows et macOS, Docker Desktop a longtemps été la solution de référence pour disposer d’un moteur de conteneurisation clés en main – Podman Desktop offre désormais une alternative, mais Docker Desktop reste très intégré (avec WSL2 sur Windows, etc.) et peut être préféré si vos développeurs y sont déjà habitués. Par ailleurs, si vos projets utilisent Docker Swarm pour l’orchestration légère de conteneurs ou tirent parti de fonctionnalités spécifiques du daemon Docker, rester sur Docker évite d’avoir à repenser ces éléments (Podman ne proposant pas exactement d’équivalent de Swarm, hormis l’utilisation de Kubernetes). Docker peut aussi montrer ses avantages dans des environnements de build d’images intensifs : grâce à BuildKit et à son optimisation de cache, il est souvent le choix pour des pipelines CI qui construisent de multiples images chaque jour. Enfin, le soutien de la communauté et la richesse de la documentation Docker jouent en sa faveur pour les équipes qui recherchent la solution la plus éprouvée et universelle. En résumé, Docker sera généralement privilégié si vos priorités incluent l’intégration facile dans un ensemble d’outils existants, la prise en charge multiplateforme sans effort supplémentaire et la stabilité d’un outil largement adopté, notamment pour les entreprises déjà fortement investies dans Docker (Source: Uptrace – uptrace.dev). Il excelle dans les cas où la compatibilité et le support priment, par exemple : postes de développement hétérogènes, pipelines CI/CD complexes optimisés autour de Docker, ou encore déploiements sur des plateformes cloud offrant des services managés Docker.
Licences et droits d’utilisation
Logiciel open source vs produit commercial – Bien que Docker et Podman soient tous deux des projets open source en ce qui concerne leurs moteurs de conteneurisation, leurs modèles de distribution diffèrent notablement en matière de licence et d’usage commercial. Podman est un projet entièrement open source sous licence Apache 2.0. Cela signifie que son code source est librement utilisable, modifiable et distribuable, y compris dans un contexte commercial, sans redevance ni restriction particulière. Docker Engine, la partie serveur de Docker qui fait tourner les conteneurs, est lui aussi open source (licence Apache 2.0 également). Toutefois, la société Docker Inc. propose autour de ce moteur une suite de produits et services dont certains sont propriétaires ou soumis à des conditions d’utilisation commerciales. En particulier, Docker Desktop (l’application fournie pour Windows et Mac, incluant Docker Engine, Docker Compose, une interface GUI, etc.) n’est pas qu’un simple projet open source : son utilisation fait l’objet d’un contrat de licence distinct. Ainsi, même si le coeur du logiciel Docker reste libre, l’ensemble de l’offre Docker comporte des limitations d’usage pour les entreprises, là où Podman et ses composants (Buildah, Podman Desktop, etc.) ne présentent pas ce type de restrictions (Source: FOSS Engineer – fossengineer.com).
Conditions d’utilisation de Docker Desktop – Docker Inc. a introduit fin 2021 de nouvelles conditions pour Docker Desktop, effectives depuis début 2022, qui encadrent son usage professionnel. D’après l’accord de souscription Docker mis à jour, Docker Desktop demeure gratuit pour une utilisation personnelle, éducative, pour les projets open source à but non commercial, ainsi que pour les petites entreprises (moins de 250 employés ET moins de 10 millions de dollars de revenus annuels). En revanche, pour les entreprises dépassant ces seuils, un abonnement payant est requis pour chaque utilisateur de Docker Desktop. Des offres Docker Pro, Team ou Business (sous forme d’abonnement mensuel par poste) couvrent cet usage commercial autorisé de Docker Desktop dans les moyennes et grandes entreprises. Ces changements n’affectent pas les composants open source comme Docker Engine lui-même, mais imposent aux organisations de s’assurer de la conformité de l’utilisation de l’outil Desktop sous peine de violation de licence (Source: Docker Docs – docs.docker.com). Par contraste, l’équivalent Podman Desktop est totalement gratuit et open source, sans distinction d’usage : les développeurs peuvent l’installer et l’utiliser en entreprise sans avoir à se soucier d’un contrat de licence ou d’éventuels frais. Cet aspect licence a été un facteur déterminant pour certaines entreprises qui ont choisi d’explorer Podman afin d’éviter les coûts supplémentaires liés à Docker Desktop tout en restant dans un cadre légal sûr et ouvert.
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