Revue de presse – Gestion de projets IT (18 au 24 février 2025)

Méthodologies Agile/DevOps en mutation

Fusion Agile Alliance–PMI : opportunités et craintes. La communauté gestion de projet a débuté l’année avec une annonce majeure : l’Agile Alliance, organisation phare des méthodes Agile, a officiellement rejoint le Project Management Institute (PMI) pour former la PMI Agile Alliance au 31 décembre 2024 (Agile Alliance Joins the Project Management Institute – InfoQ). L’objectif affiché est de marier les principes Agile avec les ressources et la portée mondiale du PMI, ce qui pourrait transformer les approches projets en alliant agilité et gestion traditionnelle. Beaucoup y voient une chance de diffuser l’Agile à plus grande échelle, avec de nouveaux parcours de formation et de collaboration. Toutefois, des voix s’élèvent – des vétérans de l’Agile craignent une dilution des valeurs fondamentales et la perte d’indépendance de l’Agile Alliance dans ce grand ensemble. L’expert Vasco Duarte rappelle d’ailleurs que « Agile consiste avant tout en la flexibilité et l’amélioration continue », appelant les équipes à préserver l’esprit Agile au-delà des cadres formels issus de ce rapprochement.

Levée de fonds pour Cycloid, champion français du Platform Engineering. Côté écosystème DevOps, la startup française Cycloid annonce une levée de 5 millions d’euros pour accélérer son développement (Platform Engineering : le Français Cycloid lève 5 millions d’euros | LeMagIT). Fondée en 2015, Cycloid s’est spécialisée dans le Platform Engineering, proposant une plateforme DevOps clé en main. Sa solution portail développeur « self-service » agrège plusieurs outils open source pour automatiser le déploiement des infrastructures et des applications dans une approche GitOps. L’entreprise y a ajouté depuis 2022 des volets FinOps (optimisation des coûts cloud) et GreenOps (suivi de l’empreinte carbone des infrastructures) salués par Gartner, afin d’aider les DSI à allier performance, maîtrise des dépenses et responsabilité environnementale. Avec plus de 150 clients dont Siemens, Pernod Ricard ou CMA CGM, Cycloid compte désormais élargir sa présence en Europe et aux États-Unis, tout en restant indépendante de fonds américains pour répondre aux exigences de souveraineté de certains de ses clients. Cette levée modeste mais ciblée illustre l’essor continu des solutions DevOps intégrées, qui combinent collaboration IT, contrôle des coûts et durabilité – un positionnement de plus en plus stratégique pour les entreprises.

Docker simplifie la construction d’images. Dans le même esprit d’efficacité DevOps, Docker Inc. a annoncé la disponibilité générale de Docker Bake, un outil d’orchestration de builds conteneurs. Après plusieurs années en phase expérimentale, Docker Bake permet de définir de manière déclarative les étapes de build et environnements de déploiement, supprimant le besoin de scripts manuels complexes. Cette approche vise à réduire la confusion dans la gestion des Dockerfiles et pipelines CI/CD, en offrant aux équipes une manière plus lisible et maintenable de construire des images pour leurs applications. L’arrivée de Bake en version stable souligne la volonté de Docker de faciliter la vie des développeurs et DevOps, en automatisant les tâches répétitives et en minimisant les erreurs de configuration.

Outils de gestion de projet IT et collaboration

GitHub enrichit son suivi de projets pour les développeurs. GitHub a déployé en début d’année une mise à jour majeure de son module Issues (suivi des tickets), actuellement en préversion publique, afin d’améliorer la gestion de projet au sein des équipes de développement (Evolving GitHub Issues: Enhancing Project Management for Developers – InfoQ). La nouveauté phare est l’introduction des sous-tickets (sub-issues), qui permettent de structurer un projet sous forme de hiérarchie parent/enfant. Concrètement, les développeurs peuvent désormais éclater une tâche complexe en une série de sous-tâches plus gérables et les imbriquer sous un ticket parent. Cette décomposition offre une visibilité claire sur les dépendances et l’avancement de chaque composant du projet. Les chefs de projet techniques peuvent suivre la progression à un niveau fin, chaque sous-tâche ayant son statut propre, tout en ayant une vue d’ensemble consolidée pour repérer d’éventuels goulots d’étranglement. Par ailleurs, GitHub introduit des types de tickets personnalisables (“bug”, “task”, “initiative”…), partagés entre les dépôts, afin d’harmoniser le classement des travaux et d’indiquer leur nature ou priorité. S’ajoute une recherche avancée améliorée (requêtes logiques AND/OR, filtres multi-critères) pour retrouver plus facilement un élément parmi des centaines de tickets. Avec ces évolutions – complétées par des améliorations d’interface comme l’autocomplétion des filtres, la création rapide de tickets en série et un meilleur chargement des longs fils de discussion – GitHub se positionne toujours plus comme un véritable hub de gestion de projet pour développeurs, comparable à Azure DevOps de sa maison-mère Microsoft . L’outil supporte désormais mieux les méthodes Agile (Scrum, Kanban) et promet des intégrations plus poussées avec les pipelines CI/CD, floutant la frontière entre gestion de projet et gestion de code. En somme, GitHub continue d’étoffer son offre pour fédérer développement et pilotage de projet sur une même plateforme.

Atlassian s’allie à l’écurie Williams en F1. Preuve que les outils de collaboration projet investissent tous les secteurs, y compris le sport automobile : l’écurie de Formule 1 Williams a annoncé un partenariat technologique et commercial majeur avec Atlassian. L’éditeur Jira et Confluence devient sponsor-titre de l’équipe – désormais officiellement nommée Atlassian Williams Racing – dans le cadre du plus gros accord de partenariat des 48 ans d’histoire de Williams (Williams announce new title partnership ahead of 2025 F1 season | Formula 1®). Au-delà du branding visible sur la nouvelle monoplace FW47 et les combinaisons des pilotes, cet accord pluriannuel revêt une forte dimension technologique. “Dans Atlassian, nous avons un partenaire dont les technologies et outils vont améliorer le travail d’équipe et la collaboration à tous les niveaux de l’organisation”, s’est félicité James Vowles, directeur de l’écurie, en soulignant que ces ingrédients seront décisifs pour le redressement de Williams. Atlassian compte intégrer ses solutions de collaboration augmentée par l’IA au sein des processus de l’équipe, afin d’optimiser la coordination entre ingénieurs, mécanos, usine et piste. Ce partenariat illustre l’importance croissante des logiciels de gestion de projet et de travail d’équipe dans des environnements ultra-compétitifs : même en F1, la performance dépend autant de la technologie que de la capacité des équipes pluridisciplinaires à innover et exécuter vite et bien. Le marché des outils collaboratifs trouve là une vitrine de prestige, tout en ouvrant des perspectives de carrières IT dans des domaines inattendus comme le sport de haut niveau.

L’IA s’invite dans la gestion de projet

Assistants IA en mode privé chez GitLab. L’éditeur DevOps GitLab a livré la version 17.9 de sa plateforme, marquée par la disponibilité générale de GitLab Duo Self-Hosted (GitLab Makes Self-Hosted Edition for AI Platform for DevOps Available – DevOps.com). Il s’agit d’une édition de son assistant à base d’IA générative (code completion et chat contextuel) que les entreprises peuvent dorénavant déployer sur leur propre infrastructure (on-premise ou cloud privé) plutôt que d’utiliser la version SaaS hébergée par GitLab. D’après GitLab, cette option répond à la demande d’organisations soumises à des contraintes réglementaires ou de confidentialité leur imposant de garder la maîtrise des données et des modèles d’IA. Le Federal CTO de GitLab note que de nombreuses équipes DevOps préfèrent gérer elles-mêmes ces services, afin de pouvoir connecter des ressources GPU coûteuses selon leurs besoins et de mieux contrôler l’accès aux données sensibles exploitées par l’IA. En proposant une alternative self-hosted, GitLab espère accélérer l’adoption des fonctionnalités d’IA par les équipes projets qui étaient freinées par des enjeux de sécurité et de conformité. L’éditeur parie que la montée en puissance de l’IA dans le développement logiciel finira par pousser la plupart des organisations à faire évoluer leurs plateformes DevOps. À terme, automatisation de tests, aide au codage et analyse prédictive pourraient générer un volume de code et de décisions bien plus important – qu’il faudra piloter avec des outils adéquats. GitLab Duo, en permettant d’héberger localement des modèles de langage (notamment de la famille Mistral en open source ou des modèles tiers via AWS Bedrock), offre ainsi un compromis entre innovation et maîtrise du risque, ouvrant la voie à une intégration plus sereine de l’IA dans la gestion de projet IT.

Microsoft Copilot et consorts : l’IA pour décharger les chefs de projet. De son côté, Microsoft poursuit l’intégration de ses agents Copilot à travers sa suite, y compris pour le pilotage de projet. Désormais, des agents Copilot spécialisés peuvent assister les managers en automatisant les tâches routinières, en analysant les données projet en temps réel et en facilitant la coordination d’équipe. L’ambition affichée est de dégager du temps aux chefs de projet et aux développeurs en réduisant les saisies manuelles et en fournissant des tableaux de bord intelligents pour la prise de décision (February 2025 Project Management Highlights: AI, Agile, Changing Mindsets | The Digest #5). Par exemple, Copilot est en mesure de générer des récapitulatifs de réunions, de mettre à jour un plan projet en fonction des changements ou de signaler proactivement les risques de dépassement. Néanmoins, comme le soulignent les observateurs, le succès de ces outils dépendra de l’adoption par les équipes : Microsoft insiste sur la nécessité d’accompagner le déploiement par du change management et de la formation, pour vaincre la méfiance vis-à-vis de l’IA et éviter le syndrome du « vallon étrange » (ces bots trop intrusifs pouvant créer un malaise). En parallèle, d’autres solutions IA continuent d’émerger dans le domaine de la gestion de projet : l’outil de gestion Wrike, par exemple, met en avant un module d’IA prédictive des risques projet, tandis que ClickUp propose un assistant capable de répondre aux questions sur l’état d’un projet, et Asana fournit des recommandations proactives pour optimiser la productivité (The best AI project management tools in 2025 – Zapier). Si ces fonctionnalités promettent d’augmenter l’efficacité et d’anticiper les problèmes, elles invitent aussi les professionnels du secteur à développer de nouvelles compétences – à l’interface entre management, données et IA – pour en tirer pleinement parti.

Gérer les risques projets à l’ère de l’IA. La gestion des risques, composante cruciale des projets IT, profite également des avancées en intelligence artificielle. Les outils d’analyse prédictive alimentés par l’IA permettent désormais une analyse plus rapide et précise de vastes ensembles de données, aidant à identifier des tendances et signaux faibles qu’un humain détecterait difficilement (Comment l’IA révolutionne la gestion des risques en 2025). En entraînant des modèles de machine learning sur des historiques de projets, il devient possible de repérer proactivement des facteurs de risque – par exemple un schéma de dépassement de budget ou de retard fréquemment corrélé à certains types de tâches – et d’alerter les gestionnaires avant que le problème ne survienne. De même, des algorithmes peuvent surveiller en temps réel l’avancement d’un projet et signaler tout écart par rapport au plan initial, jouant le rôle de vigies numériques (Les agents de l’IA dans la gestion de projet : Amélioration des flux …). L’IA s’illustre aussi dans la simulation de scénarios : des moteurs peuvent modéliser l’impact de risques potentiels (panne majeure, départ d’un profil clé, changement réglementaire…) et aider l’équipe à préparer des plans d’urgence. Enfin, l’automatisation concourt à la résilience des projets – par exemple en déclenchant automatiquement des alertes ou des actions correctives lorsque certains indicateurs de risque virent au rouge. Pour les chefs de projet, ces apports de l’IA sont un atout, à condition de rester maîtres de leur interprétation. L’œil humain demeure vital pour valider les analyses de l’IA, évaluer les risques qui échappent aux données chiffrées (comme les facteurs humains ou politiques) et, surtout, maintenir la démarche éthique dans la prise de décision. L’actualité récente rappelle d’ailleurs que l’IA apporte aussi de nouveaux risques : par exemple, une étude a montré qu’un grand modèle comme Google Gemini pouvait se faire piéger par une attaque de prompt injection, altérant sa « mémoire » à long terme. La gestion des risques en 2025 passe donc par un double défi pour les organisations : exploiter l’IA comme bouclier proactif contre les aléas, tout en étant conscientes des vulnérabilités propres à ces nouvelles technologies

Marché de l’emploi et carrières IT : tendances et impacts

Les évolutions de la gestion de projet IT s’inscrivent dans un contexte de marché de l’emploi en pleine recomposition. Aux États-Unis, les derniers chiffres illustrent cette complexité : le taux de chômage des professionnels IT est remonté à 2,9% en janvier 2025 (contre seulement 2% en décembre), mais paradoxalement les offres d’emploi IT ont bondi sur la même période (Chômage et Offres d’Emploi IT en Hausse aux États-Unis en Janvier 2025 – Silico – Développement d’application). D’après les données de CompTIA, plus de 6 700 offres supplémentaires ont été publiées en janvier, portant le total à plus de 220 000 annonces actives dans le secteur. Les profils les plus recherchés reflètent les priorités technologiques du moment : les concepteurs d’interfaces utilisateur arrivent en tête (+54% d’offres par rapport au mois précédent), suivis de près par les data scientists (+52%) et les analystes de données (+47%). Le boom de l’intelligence artificielle se confirme, avec près de 40 000 annonces liées à l’IA en janvier – un volume en légère hausse qui place des hubs comme San Francisco, San Jose ou New York en première ligne du recrutement IA. Fait notable, la demande en compétences managériales IT progresse elle aussi (+16% pour les postes de managers), signe que les entreprises recherchent des leaders capables de piloter des projets IA et des équipes techniques de plus en plus étoffées. Selon Tim Herbert, responsable études chez CompTIA, la hausse du chômage IT constatée en janvier pourrait s’expliquer en partie par le retour de candidats sur le marché après une pause fin 2024, gonflant temporairement les statistiques. Reste que dans un environnement où les spécialistes IA et data sont courtisés, ce sont surtout les talents polyvalents – combinant expertise technique et aptitude à la gestion stratégique – qui tireront leur épingle du jeu. Les entreprises rivalisent d’atouts pour attirer ces perles rares, proposant non seulement des salaires attractifs mais aussi des projets innovants et des opportunités de formation continue, indispensables pour garder la motivation des équipes hautement qualifiées.

En Europe et en France, on observe des tendances similaires, avec quelques nuances. Après les vagues de recrutements et licenciements des années passées, 2024 a marqué un ralentissement global et un recentrage des investissements IT sur des valeurs sûres, dans un contexte économique incertain (Marché IT 2025 : pénurie ou saturation ? ). Les entreprises, sous contrainte budgétaire, ont parfois freiné les projets d’envergure en IA ou en transformation digitale, privilégiant des initiatives à ROI immédiat et maîtrisé. Sur le plan de l’emploi, cela s’est traduit par un tassement des embauches en CDI au profit de missions ponctuelles en freelance, permettant aux employeurs de garder de la flexibilité financière. De nombreux développeurs et chefs de projet ont dû s’adapter en multipliant les contrats courts ou les activités de conseil, témoignant d’une certaine précarisation des parcours. Pour autant, la pénurie de compétences critiques persiste : les experts en cloud, en cybersécurité, en IA ou en DevOps restent extrêmement sollicités et difficiles à dénicher. Ce décalage crée un marché à deux vitesses, où les profils hyper-spécialisés peuvent faire monter les enchères, tandis que d’autres, aux compétences plus généralistes ou sur des technologies moins « à la mode », peinent davantage à trouver des postes stables. Dans ce contexte, la gestion de projet IT elle-même évolue en tant que carrière : le project manager traditionnel doit enrichir sa palette. La demande se porte de plus en plus sur des chefs de projet hybrides, capables de comprendre en profondeur les aspects techniques (par ex. data, AI, sécurité) tout en orchestrant des équipes pluridisciplinaires et en communiquant la valeur business des projets aux directions. Les récents développements autour de l’Agile, du DevOps et de l’IA, mis en lumière dans cette revue, confirment que les professionnels qui sauront conjuguer ces approches – agilité, outillage automatisé, vision produit et gestion des risques – seront particulièrement recherchés. En somme, le marché de l’emploi IT en ce début 2025 offre de belles perspectives à celles et ceux qui acceptent de mettre à jour en continu leurs compétences et de surfer sur les nouvelles vagues technologiques tout en gardant le cap sur les objectifs métiers.