DATA & IA, REVUE DE PRESSE

Revue de presse : IA et Data (19–26 février 2025)

Investissements massifs et coopération internationale dans l’IA

Paris, capitale de l’IA le temps d’un sommet. À la mi-février, le Sommet international pour l’action sur l’IA à Paris a rassemblé chefs d’États, organisations et industriels, donnant lieu à des annonces majeures. La France a attiré d’énormes investissements dans les infrastructures : les Émirats arabes unis (fonds MGX) vont construire un centre de données géant de 1 gigawatt pour 50 milliards d’euros en France (Ce qu’il faut retenir du Sommet pour l’action sur l’IA). Un autre acteur, Brookfield (Canada), prévoit 15 milliards pour des data centers dont un à Cambrai, tandis que la startup française Mistral AI lancera son propre centre de données en Essonne. En parallèle, l’Union européenne a annoncé mobiliser 200 milliards d’euros via une alliance public-privé baptisée “EU AI Champions Initiative”, rassemblant plus de 60 grands groupes (Airbus, L’Oréal, Mercedes, Spotify, etc.) pour accélérer l’IA en Europe. La Commission européenne y contribuera à hauteur de 50 milliards, et la banque publique Bpifrance engagera 10 milliards d’ici 2029 pour soutenir les projets IA. Ces chiffres illustrent l’effort massif pour doter le secteur d’une base technologique robuste (centres de calcul, cloud) et soutenir l’écosystème.

Vers une IA “ouverte et éthique”. Sur le plan diplomatique et réglementaire, 58 pays (dont France, Inde, Chine) ainsi que l’UE et l’Union africaine ont signé à Paris une déclaration commune en faveur d’une IA « ouverte, inclusive et éthique ». Ils appellent à mieux coordonner la gouvernance de l’IA et à éviter une trop forte concentration du marché, afin de rendre ces technologies plus accessibles. Fait notable, les États-Unis et le Royaume-Uni n’ont pas signé cette déclaration, préférant s’abstenir . Par ailleurs, neuf pays (dont la France), des associations et entreprises ont lancé l’initiative “Current AI”, un fonds d’investissement dédié aux projets d’IA d’intérêt général, doté de 400 millions de dollars au départ (objectif 2,5 milliards sur 5 ans). En contrepoint, des voix critiques se sont élevées : plusieurs associations (dont La Quadrature du Net) ont formé une coalition nommée “Hiatus” appelant à une limitation drastique du déploiement de l’IA, alertant sur ses dangers pour l’emploi, l’éducation ou la culture. Ces débats montrent que, face à l’accélération de l’IA, la communauté internationale cherche un équilibre entre promotion de l’innovation et garanties éthiques.

Alertes sur les limites de l’IA générative

Des chatbots souvent inexacts. Du côté des médias, la BBC a tiré la sonnette d’alarme sur la fiabilité des résumés d’actualité générés par IA. Une enquête interne a révélé que 51 % des synthèses produites par des chatbots (comme ChatGPT, Google Gemini, Microsoft Copilot, Perplexity) contiennent des inexactitudes importantes, dont 19 % comportent des erreurs factuelles flagrantes (La BBC alerte sur les erreurs des chatbots IA dans les résumés d’actualités). Par exemple, certains bots affirmaient que Rishi Sunak ou Nicola Sturgeon étaient toujours en poste, alors qu’ils avaient quitté leurs fonctions respectivement en 2024 et 2023. Autre écueil relevé : la confusion entre faits et opinions dans ces résumés automatisés. Face à ces dérives, Pete Archer, directeur du programme IA générative à la BBC, préconise que les éditeurs reprennent le contrôle de leurs contenus et demande aux fournisseurs technologiques davantage de transparence sur les erreurs et les mécanismes de correction. L’avertissement de la BBC met en lumière le risque de désinformation lié à une confiance aveugle dans les IA génératives pour la veille d’actualité, et la nécessité de garder un œil humain critique sur leurs productions.

L’IA peut-elle atrophier l’esprit critique ? Une étude scientifique menée par l’Université Carnegie Mellon et Microsoft Research s’est penchée sur l’impact de l’IA générative sur nos capacités cognitives. En interrogeant 319 professionnels utilisant des outils d’IA au moins une fois par semaine, les chercheurs observent une tendance préoccupante : plus les utilisateurs font confiance à l’IA, moins ils exercent de pensée critique dans leurs tâches (Study: GenAI Is Eroding Critical Thinking — Redmondmag.com). Concrètement, si ces knowledge workers gagnent en efficacité, ils ont tendance à vérifier moins soigneusement les informations ou solutions fournies par l’IA, ce qui peut conduire à une sur-dépendance à long terme et à un affaiblissement de leur capacité à résoudre des problèmes de façon autonome. L’étude note que l’IA génère un confort cognitif (en automatisant la collecte d’informations, la rédaction, etc.), incitant l’utilisateur à accepter les réponses sans les remettre en question. Elle appelle donc à développer des outils d’IA qui encouragent au contraire l’utilisateur à garder un rôle actif : par exemple en intégrant des mécanismes de vérification assistée ou d’explication des réponses de l’IA. En somme, un usage excessif et passif de l’IA pourrait « détériorer les facultés cognitives qui devraient être préservées », d’où l’importance de sensibiliser aux bonnes pratiques d’utilisation de ces outils.

Partenariats et applications industrielles de l’IA

Orange s’allie à un champion français de l’IA. Le groupe télécom Orange a annoncé un partenariat stratégique avec la startup Mistral AI. Scellé pendant le sommet de Paris, cet accord vise d’abord la recherche conjointe : les équipes R&D d’Orange travailleront « main dans la main avec celles de Mistral AI dans un esprit d’open innovation » (Accord Orange-Mistral AI : des projets de recherche et des contrats). L’enjeu pour Orange est d’intégrer l’IA à tous les niveaux de ses opérations et services. Concrètement, Orange va tirer parti des modèles de langage de Mistral pour optimiser ses réseaux : gestion intelligente du trafic, maintenance prédictive des infrastructures, détection de pannes en temps réel, etc.. Orange, qui propose déjà des solutions d’IA générative (Live Intelligence, lancée fin 2024), compte les renforcer avec le LLM “Codestral” de Mistral. Par ailleurs, Orange offrira à ses clients professionnels l’accès au chatbot Le Chat de Mistral, afin d’élargir l’usage de cet assistant conversationnel auprès des entreprises. Ce partenariat big techstartup illustre comment les grandes entreprises s’appuient sur l’expertise de jeunes pousses spécialisées pour accélérer leur transformation numérique grâce à l’IA.

Une banque crée sa branche dédiée à l’IA. Dans le secteur financier, la Société Générale a officialisé la création de “SocGen AI”, une entité interne chargée de piloter l’intégration de l’intelligence artificielle dans l’ensemble du groupe bancaire (La Société Générale lance SocGen AI pour l’exploitation de l’intelligence artificielle dans ses activités). Environ 60 experts formeront ce pôle, épaulés par 400 correspondants métiers à travers la banque. La direction a été confiée à Nicolas Méric, un spécialiste ayant précédemment fondé une startup d’IA (DreamQuark) rachetée en 2024. L’initiative s’inscrit dans une stratégie globale : la banque recense déjà plus de 300 cas d’usage Data/IA en production, dont 25 % visent à améliorer l’expérience client. Par exemple, son chatbot client SOBOT traite près de 6 000 interactions par jour, et un assistant vocal (ELLIOT) gère plus de 70 % des demandes clients de la banque en ligne. La banque utilise aussi l’IA pour la sécurité avec l’outil MOSAIC, qui automatise la détection de fraudes sur les paiements en analysant les flux et en déclenchant des alertes en cas d’anomalie. En structurant ainsi ses efforts, Société Générale affiche l’ambition de dégager 500 millions d’euros de valeur grâce à l’IA dans les années à venir. Cela reflète une tendance de fond : les grandes entreprises, tous secteurs confondus, se dotent de cellules dédiées pour diffuser l’IA à grande échelle dans leurs processus, témoignant de la montée en puissance de l’IA dans l’industrie.

Nouveaux outils et course à l’IA : États-Unis vs. Chine

Elon Musk dévoile Grok 3. Le 18 février, l’entrepreneur Elon Musk a présenté officiellement sur sa plateforme X (ex-Twitter) la nouvelle version de son chatbot d’IA, baptisé Grok 3 (Elon Musk présente officiellement Grok 3, et veut encore révolutionner l’IA). Développé par sa société xAI, Grok 3 vise ouvertement à rivaliser avec les ténors du domaine que sont ChatGPT d’OpenAI (États-Unis) et DeepSeek (Chine) . Cette troisième mouture apporte des capacités inédites : le bot peut désormais puiser des informations en temps réel dans les messages publics de X, ce qui lui permet de fournir des réponses toujours à jour. Il intègre aussi un système d’auto-correction de ses réponses, pour identifier et rectifier ses erreurs tout seul, combiné à de l’apprentissage par renforcement (récompenses/sanctions) pour limiter les dérapages. Autre nouveauté majeure : Grok 3 offre un mode vocal en direct, comblant son retard sur ses concurrents dans l’interaction parlée. Cette fonction s’avère cruciale pour Musk, qui envisage d’intégrer l’assistant dans les voitures Tesla – à la fois pour améliorer les commandes vocales à bord et pour alimenter en données le système de conduite autonome afin d’en améliorer l’IA. Pour l’instant, l’accès anticipé à Grok 3 est réservé aux abonnés premium de X, avant une ouverture plus large prévue plus tard dans l’année. Ce lancement s’accompagne d’annonces financières frappantes : xAI a levé 6 milliards de dollars en décembre pour développer des infrastructures de pointe, et Elon Musk a même tenté de racheter OpenAI pour près de 93 milliards d’euros, offre rejetée unanimement par le conseil d’OpenAI. Ces mouvements illustrent l’ambition de Musk de revenir au premier plan dans la course à l’IA, face à des concurrents bien établis.

L’offensive chinoise avec DeepSeek. En Chine, la startup DeepSeek bouscule également l’ordre établi. Fondée en 2023 à Hangzhou, DeepSeek a fait sensation en janvier dernier avec son modèle IA “R1” : un système de reasoning (raisonnement automatisé) à bas coût qui aurait surpassé de nombreux modèles occidentaux, provoquant même un choc sur les marchés boursiers (plus de 1 000 milliards de dollars de capitalisation envolés) suite à son annonce (DeepSeek rushes to launch new AI model as China goes all in | Reuters). Fort de ce succès, DeepSeek accélère le déploiement de son prochain modèle “R2”. Initialement prévu pour mai, R2 pourrait être lancé dès le printemps afin de consolider l’avance de la startup. Ce nouveau modèle promet des performances accrues en génération de code et la capacité de raisonner en plusieurs langues au-delà de l’anglais. L’initiative est surveillée de près à l’international : des experts estiment qu’une telle avancée, obtenue avec des ressources matérielles plus modestes que celles des géants américains, pourrait être un tournant pour l’industrie. En proposant des IA puissantes et moins coûteuses, DeepSeek pourrait pousser d’autres acteurs mondiaux à accélérer leurs efforts, brisant ainsi la main mise de quelques entreprises dominantes. Le gouvernement américain voit d’un œil inquiet l’ascension de cette pépite chinoise (la suprématie en IA étant déclarée priorité nationale aux États-Unis). De son côté, la Chine encourage l’adoption de DeepSeek : des dizaines d’entreprises chinoises intègrent déjà les modèles de la startup dans leurs produits. DeepSeek incarne donc la montée en puissance de l’IA chinoise, combinant innovation technologique et soutien politique, dans une compétition technologique mondiale de plus en plus intense.

Concurrence et régulation : l’exemple Nvidia. Enfin, cette période a été marquée par un fait notable en matière de régulation de la concurrence dans l’IA. Le géant des processeurs graphiques Nvidia a engagé un recours en justice contre la Commission européenne, lui reprochant d’avoir outrepassé ses pouvoirs en enquêtant sur le rachat de la startup israélienne Run:ai (Nvidia poursuit l’UE pour avoir enquêté sur l’acquisition de Run:ai). En effet, ce rachat était d’ampleur modeste et sous les seuils habituels de contrôle des fusions, mais les autorités (saisie par l’Italie) ont tout de même examiné l’opération, ce que Nvidia conteste. Ironie du sort, l’UE avait fini par approuver cette acquisition fin 2024, et la transaction s’est conclue en décembre. Run:ai développe des logiciels pour orchestrer les GPU d’IA dans le cloud, et a annoncé après son rachat que son code source serait ouvert à la communauté. Si Nvidia a obtenu gain de cause sur le fond (l’accord validé), son action illustre la tension croissante entre les grandes entreprises technologiques et les régulateurs. Ceux-ci surveillent de près les acquisitions dans le domaine de l’IA, soucieux d’éviter des positions dominantes trop fortes sur des ressources clés (comme les semi-conducteurs ou plateformes d’IA). L’affaire indique que la régulation antitrust entend s’appliquer pleinement à l’IA, et que les acteurs dominants sont prêts à défendre agressivement leur marge de manœuvre.

Sources

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